D. 1999, page 245
1 – Techniquement, le nom de domaine n’est rien d’autre qu’une adresse électronique personnalisée, identifiant un site Web. Il se compose d’un préfixe de type <http://www.>, d’un radical qui constitue le véritable identifiant du nom de domaine, suivi d’une extension caractérisant le site dans son activité (par exemple <.com> pour les activités commerciales) ou la zone géographique d’émission ou d’hébergement (par exemple <.fr> pour désigner la France)(1). Du particulier aux entreprises, le nom de domaine est ainsi un moyen commode de localisation d’un site sur le réseau Internet. Mais, pour ces dernières au moins, sa fonction technique d’adresse tend aujourd’hui à passer au second plan ; son rôle est davantage celui d’un identifiant commercial.
C’est en effet à travers cet identifiant que l’entreprise peut se faire connaître et reconnaître sur le réseau et donc drainer vers elle une clientèle. L’intérêt n’est pas mince quand on sait que les entreprises disposent avec l’Internet d’un nouveau média pour communiquer – la création d’un site Web leur permettant d’y promouvoir leur activité – et surtout, avec le développement du commerce électronique, d’un nouvel espace marchand où proposer directement à la population des internautes des biens ou services. Plus qu’une simple adresse électronique, le nom de domaine sert dès lors de signe de ralliement de la clientèle vers le site qu’il identifie en même temps qu’il constitue un outil publicitaire efficace(2). Les entreprises l’ont d’ailleurs bien compris, qui emploient généralement comme nom de domaine leur propre dénomination ou leurs marques, c’est-à-dire les signes autour desquels elles communiquent déjà et sous lesquels leurs clients peuvent donc s’attendre à les trouver sur le réseau.
Cette dimension commerciale du nom de domaine donne évidemment tout son poids à la question de sa nature juridique. A cet égard, son appartenance à la catégorie des signes distinctifs est vraisemblable, de sorte que son accession, comme telle, à l’univers des propriétés intellectuelles serait logique. Il importe en tout cas d’y réfléchir car la détermination de la nature du nom de domaine est à n’en pas douter l’une des clés de la résolution du contentieux qu’il peut occasionner.
2 – Les conflits générés par l’apparition des noms de domaine sont à la vérité inéluctables. Le choix d’un identifiant commercial comporte toujours le risque de reproduire un signe qui se révèle, à l’usage, déjà approprié par un tiers. L’emploi parasitaire du signe d’autrui, lorsque celui-ci est connu, est également à redouter. Mais le risque de contentieux est en outre aggravé, en la matière, par la règle qui préside à l’enregistrement d’un nom de domaine. Cette règle, dite du « premier arrivé, premier servi », commande qu’un même signe ne peut être enregistré qu’une seule fois dans la même zone (par exemple <.com> ou <.fr> pour les entreprises) et que le premier attributaire en a alors seul le bénéfice, à l’exclusion de tout autre. Rudimentaire dans son principe, elle est non moins rigoureuse dans ses effets puisqu’elle conduit à priver une entreprise souhaitant s’installer sur le réseau de la possibilité d’utiliser le nom sous lequel elle est connue dès lors qu’il a été préalablement enregistré par un tiers(3). Un véritable piratage de noms de marques ou d’entreprises s’est d’ailleurs développé à travers le monde, des personnes les enregistrant comme noms de domaine pour les revendre ensuite à leurs titulaires légitimes désireux d’en disposer sur le réseau
(4).
Perturbateur, le nom de domaine l’est donc très certainement. Et il l’est doublement : par l’interrogation qu’il suscite, dans le foyer de la propriété industrielle, sur sa nature juridique et par le contentieux que d’ores et déjà il provoque.