La Halde : quelle autorité ?

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Dr. soc. 2009, page 142

L’efficacité de la Halde dans la lutte contre les discriminations tient au caractère exorbitant de ses pouvoirs, lequel participe de la mission d’intérêt général qui lui est dévolue. Les manifestations de l’habilitation que le législateur a donnée à cette instance pour défendre l’intérêt général ne manquent pas : la Halde peut s‘autosaisir, ce qui est un privilège d’action ; elle peut conclure une transaction avec l’auteur de la discrimination lorsque les faits en cause sont constitutifs d’infractions pénales(1), ce qui s‘inspire de la composition pénale que le procureur de la République peut lui-même proposer à l’auteur d’un délit(2); elle peut mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe(3), comme peut le faire le procureur, notamment en cas de refus ou d’inexécution de la composition pénale(4). Tout cela témoigne donc, sans l’ombre d’un doute, de l’ambition de défense de l’intérêt général qui inspire l’action de la Halde en tant qu’instance de répression(5).

Toujours est-il que, si on quitte le terrain de la répression, on observe que ses pouvoirs sont également destinés à servir à l’assistance du salarié. Et ce qui frappe, alors, c’est l’imbrication dans cette action de la défense de l’intérêt général et de la protection des intérêts particuliers des salariés. L’idée, certainement, est que la Halde, investie d’une habilitation à défendre l’intérêt général, y pourvoit en participant à la protection des intérêts particuliers des salariés. Mais, concrètement, il en résulte – et c’est ce qui fait l’originalité profonde de cette instance et sa singularité par rapport aux autres autorités administratives indépendantes – que les pouvoirs exorbitants dont elle dispose sont mis au service de la sauvegarde d’intérêts privés. De façon caricaturale, on pourrait dire que la Halde est une sorte d’assistante publique des salariés. Or, cela dérègle évidemment le traitement ordinaire des litiges entre employeurs et salariés.

Il sy ajoute une autre source de perturbations : autorité indépendante, la Halde intervient dans un champ de compétence traditionnellement dévolu au juge judiciaire, dans lequel elle entend d’ailleurs exercer son propre rôle. Ce chevauchement de compétence suscite alors, fatalement, un risque de discordance dans la compréhension des règles prohibant les discriminations. À terme, ce pourrait même constituer un foyer d’insécurité juridique, à tout le moins d’incertitude d’autant plus fâcheux que les mesures prises par la Haute Autorité ne sont pas soumises au contrôle judiciaire et qu’elles échappent, dans une large mesure, au contrôle administratif.

La Halde, quelle autorité ? La question en compte deux.