La crise existentielle du droit patrimonial à l’image

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D. 2010, page 450

Le mouvement est ample et, avec l’âge, a pris en force. Voilà bientôt trente ans que les premiers auteurs se sont intéressés à l’existence d’un droit patrimonial à l’image, décelant dans les traces du droit américain un droit susceptible de capter les utilités économiques d’une personnalité notoire. Ces dernières années, signe d’un intérêt doctrinal croissant, plusieurs thèses ont été consacrées à l’étude de la patrimonialité des droits de la personnalité et, plus généralement, au phénomène de valorisation de ces droits au contact d’une notoriété frugifère (V. encore C.-A. Maetz, La notoriété. Essai sur l’appropriation d’une valeur économique, thèse, Aix-Marseille, 2009). Sans attendre ces savantes analyses, la pratique contractuelle s’était déjà emparée de la valeur de l’image : un marché a été ouvert pour l’exploiter qui a spontanément conçu comme instrument d’échange un droit d’essence patrimoniale susceptible d’en transférer le profit. Et les juges ont suivi, timidement d’abord, puis de façon plus résolue, passant de la reconnaissance d’un préjudice économique en cas d’exploitation illicite de l’image à la considération d’un droit patrimonial cessible entre vifs et même, pour certaines juridictions, transmissible à cause de mort. Bref, ce long travail de reconnaissance judiciaire a progressivement fait franchir au droit à l’image tous les degrés de la patrimonialité. En bout de course, on n’attendait plus que l’avis de la Cour de cassation, le qu’en dira-t-elle face cette montée en puissance du droit patrimonial à l’image ; autrement dit, un arrêt faiseur de jurisprudence.

Il y en eut plusieurs rendus en quelques mois, mais à contre-courant, coupant net l’élan que l’on pouvait penser irrésistible. La première chambre civile, manifestement, ne veut pas d’un droit patrimonial à l’image ; du moins n’entend-elle pas lui faire une place à part, avec sa nature propre, émancipé du droit classique à l’image qui, de longue date, partage avec le droit au respect de la vie privée les murs de l’article 9 du code civil. Ce déni – disons-le franchement – est perturbant.