Dr. soc. 2010, page 297
En introduisant un processus conventionnel de rupture du contrat de travail, la loi du 25 juin 2008 quitte une tradition d’unilatéralisme qui imprégnait jusqu’à présent la conception des règles présidant à la rupture du contrat. Le principe d’un tel mode de rupture n’est certes pas nouveau ; depuis le Code napoléon, l’article 1134 permet la révocation du contrat du consentement mutuel de ceux qui l’ont formé. Mais, ce qui est nouveau, c’est que le droit en organise le déroulement et donne un fond d’ordre public à la procédure des consentements, la loi accompagnant celle-ci de mesures propres à sécuriser la rupture. La nouveauté tient aussi à la promotion qui est faite de la commune volonté comme une troisième voie pour mettre fin à un contrat de travail, à côté de la rupture à l’initiative de l’employeur et de celle à l’initiative du salarié. En cela, la rupture conventionnelle participe de l’idée très contemporaine que le contrat peut être l’instrument de règlements pacifiés en fédérant les volontés sur une solution qui est d’autant mieux reçue qu’elle a été librement consentie. Dans ce mouvement, la convention, qui réunit les intérêts propres à chacune des parties, se présente comme une alternative à la culture de l’unilatéralisme qui met au pouvoir de l’une une décision subie par l’autre.
Reste à savoir si les volontés parviennent effectivement à s’entendre pour rompre le contrat aussi efficacement que lorsqu’elles se manifestent unilatéralement. D’un point de vue comptable, les chiffres indiquent que ce nouveau mode de rupture ne rebute pas et tente même un certain nombre d’employeurs et de salariés puisque, malgré un contexte économique qui lui est a priori peu propice, plus de 250 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées depuis l’entrée en vigueur du dispositif en août 2008(1). Celles-ci représenteraient aujourd’hui entre 5 et 10 % du total des sorties de CDI, ce qui correspond au volume des licenciements déguisés qui était estimé par la direction générale du travail (2). Ce n’est évidemment pas un raz-de-marée mais ces chiffres permettent tout de même de considérer que la rupture conventionnelle est devenue l’une des voies praticables et empruntées pour mettre fin à la relation contractuelle de travail. Sur un plan plus substantiel, cependant, le débat est encore vif sur l’efficacité, et corrélativement sur l’intérêt, de ce mode de rupture. Comme l’a parfaitement résumé un auteur, il y a ceux qui croient à la rupture du contrat de travail d’un commun accord et ceux qui n’y croient pas (3). Seulement, encore faut-il se donner les moyens de croire ou, à l’inverse, de douter. Concrètement, il faut, pour s’en faire une idée, s’intéresser à la rupture conventionnelle sous deux angles complémentaires : son utilité, d’une part ; sa sûreté, d’autre part, sans laquelle l’utilité ne serait que vaine promesse. L’utilité pose une question de domaine de la rupture conventionnelle ; la sûreté ouvre sur des questions de régime.