Publication : JCP G 2018, 597
Le 16 février 2017, le Parlement européen a adopté une résolution qui propose de reconnaître une personnalité juridique spécifique aux robots autonomes les plus sophistiqués pour qu’ils « puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenus de réparer tout dommage causé à un tiers ». Ce projet soulève des craintes légitimes et il n’y aurait rien de plus dangereux que de le prendre à la légère.
Le 16 février 2017, le Parlement européen adoptait une résolution « contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique ». Ce texte comporte plusieurs propositions parmi lesquelles celle de reconnaître « la création, à terme, d’unepersonnalitéjuridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenus de réparer tout dommage causé à un tiers ». La proposition est soutenue, en France, par quelques juristes qui verraient bien une personne robot prendre place dans l’ordre juridique. Mais elle fait aussi réagir, notamment plus de 200 spécialistes en intelligence artificielle issus de différents États de l’Union européenne qui ont adressé au mois d’avril dernier une lettre ouverte à la Commission européenne afin de s’opposer à la création d’unepersonnalitéjuridique pour les robots. La réplique en dit long sur les craintes que soulève le projet et le sérieux avec lequel il faut l’envisager. Il n’y aurait rien de plus dangereux que de le prendre à la légère – on voit pourtant certains sourire à l’évocation d’une idée fantaisiste ou fictionnelle – car ceux qui le défendent sont des idéologues tenaces (et) en position d’être écoutés.
Impulsivement, l’idée d’une personnalité juridique procède d’une représentation des robots autonomes comme des créatures susceptibles d’agir, voire de se comporter, comme des personnes. C’est d’ailleurs la fonction des machines intelligentes d’être en capacité de réaliser des actions qui sont en principe exécutées par les humains. Créatures intelligentes et, le cas échéant, auto-apprenantes, les robots relèveraient en cela davantage de l’ordre des personnes que de celui des choses. Bien sûr, on nous assure que lapersonnalitéjuridique des robots ne serait que fonctionnelle et sans le moindre rapport avec celle des personnes humaines. C’est d’une personnalité technique qu’il s’agit, dans l’optique de régler des questions pratiques comme la responsabilité des dommages causés par les robots. N’est-elle pas ainsi décrite dans le texte adopté par le Parlement européen comme une personnalité « électronique » ? Nous avons déjà entendu pareil discours. C’est le discours de ceux qui défendent la reconnaissance d’unepersonnalitéjuridique aux animaux. Or, il y a en réalité, sous le propos qui se veut rassurant, une ambition mimétique de faire évoluer la condition animale sur le modèle de droits garantissant le respect de l’humain. Objecterait-on que le droit positif n’a pas bougé en ce sens, n’oublions pas que les personnes morales sont, quant à elles, effectivement parvenues à accéder à une situation juridique équivalente à celle des personnes humaines alors que c’est leurpersonnalitétechnique qui est prise en exemple pour en doter les robots.