Revue de droit bancaire et financier, juillet 2003, page 256
Si le cautionnement doit être exprès, l’expression de la volonté ne suffit pas pourtant à garantir en soi que celui qui s’oblige a eu conscience de la nature et de la portée de son engagement. La forme a plus volontiers ce mérite et, sous les traits de la mention manuscrite, constitue dès lors l’un des moyens qu’emploie le droit contemporain pour protéger certaines cautions. Toutes les cautions, il est vrai, n’en auraient pas besoin : les commerçants peuvent s’en passer ; les dirigeants sociaux ne le justifient que modestement. Au contraire, cette protection doit profiter en première ligne aux consommateurs et s’élargir, plus généralement, à toute caution profane pour laquelle le cautionnement est un acte dangereux autant que mystérieux.
Ce formalisme à façon est toutefois devenu, avec le temps et les retournements de jurisprudence, une œuvre tourmentée du droit. Puisant à sa racine dans les dispositions de l’article 1326 du Code civil, il s’est donné, au gré des combinaisons textuelles et de leurs interprétations, l’essence d’un formalisme substantiel ou la valeur d’un formalisme probatoire, variant aussi d’objet pour embrasser jusqu’aux accessoires de la dette avant de régresser et de ne plus concerner que la dette principale. Son expression elle-même a évolué : alors que la mention dite manuscrite l’était parce que portée de la main de la caution, le développement de l’écrit sous forme électronique, en concurrence de l’écrit sur support papier, a conduit depuis la loi du 13 mars 2000 à une nouvelle rédaction de l’article 1326 qui n’exige plus que la mention de la somme soit écrite de la main de la caution et se contente qu’elle soit écrite «par elle-même ».
Mais le plus singulier de ces évolutions, sans doute, est davantage la « communautarisation » du formalisme en la matière, qui blesse l’harmonie du droit. En marge des règles du droit commun, le législateur a en effet instrumentalisé le formalisme pour protéger plus spécifiquement les cautions qui garantissent les engagements d’un consommateur. Quittant le Code civil, le cautionnement a ainsi intégré le Code de la consommation où la forme est fréquemment l’outil privilégié de protection des faibles. Ce foisonnement du droit, cependant, laisse sceptique car la mention manuscrite n’est pas – n’est plus – loin s’en faut une et indivisible. Selon la nature des obligations cautionnées et la qualité des parties, ses exigences varient, sa valeur change, laissant finalement l’impression d’une formalité mutante. La protection de la caution, corrélativement, présente une certaine instabilité : solidement assurée en droit spécial de la consommation au point de paraître excessive (1), elle est sans conteste plus flexible en droit commun du cautionnement mais sans doute aussi plus fragile (II).